Qu’est ce qui différencie le street art des autres formes artistiques ?

street art

Le street art ou art urbain suit, depuis une dizaine d’années, une dynamique ascendante. L’âge de la reconnaissance est venu pour ces artistes de rue qui subissaient le mépris des académiciens de bon ton. Longtemps considérés comme des vandales en quête de sensations fortes, leur talent éclate au grand jour depuis que les municipalités et les esprits retors ont décidé de lâcher du lest. Des pans entiers de béton leurs sont exclusivement réservés dans les grandes villes et leurs œuvres trouvent maintenant leur place dans les galeries les plus cotées. Bansky est passé par là…

Que justifie alors cet engouement planétaire pour cette forme d’expression devenue artistique ? Quelles sont ses particularités et en quoi ses différentes pratiques artistiques accouchent-elles d’un concept global et cohérent recouvré par le terme street art ? Réponses.

Un art de vivre

Aux origines du street art, il y a le graffiti. Souvent amalgamés, le graffiti était l’expression d’une revendication sauvage et spontanée. Pratique aussi ancienne que les grottes de Lascaux, la transmission d’un message à caractère fondamentalement politique, voire subversive, a motivé de tous temps ceux qui avaient quelque chose à exprimer à la face du monde. Dans les années 70, les bombes aérosols et la croissance tentaculaire des mégapoles américaines vont amplifier le phénomène. Les premiers graffeurs de New York inscrivent leur appartenance au quartier en accolant sur les murs pseudos et numéros de rue. Cette réappropriation de l’espace public jette les bases d’un art transgressif à souhait, loin des codes convenus des galeries de Chelsea. Le message, souvent indéchiffrable pour les non-initiés, s’adresse alors à un groupe restreint. Il vise à rapprocher les membres d’une communauté de laissés pour compte. Si l’art doit inspirer pour en être, le graffiti puise directement à la source et donne à ceux qui le contemplent la faculté de s’unir autour d’un thème et d’un discours simples mais modernes, en symbiose avec le monde dans lequel ils évoluent. Le street art, son évolution naturelle et multiple, reprendra ces codes pour former une pratique artistique centrée autour du message et de la fascination.

L’art du mouvement

La dernière décennie a vu le street art prendre d’assaut l’espace urbain en même temps que le marché de l’art. Autrefois cantonnés aux banlieues sombres et aux rames de métros, pochoirs, collages, mosaïques, autocollants, affichage, projections vidéos et bien sûr graffitis, recouvrent les murs des centre-villes. C’est là une caractéristique fondamentale du street art, sa capacité à inventer de nouvelles pratiques et les détourner au profit de la transmission d’un message. La plupart des artistes se définissent comme engagés voire comme militants. Ils ont bien souvent une tendance à la dénonciation du malaise social, de la tradition rétrograde ou de l’absurdité du monde. Ils interpellent le quidam dans son déplacement urbain monotone et le pousse à s’extraire du train train quotidien. Le street art est avant tout revendicatif. Cette constance dans le propos s’est accompagnée graduellement d’une mutation dans les moyens choisis pour étendre la visibilité de leur message. La prévalence des réseaux sociaux et des communautés a convaincu nombre de ces artistes de l’importance de conquérir ce nouvel espace ouvert à tous et en évolution permanente. Des galeries en ligne proposent désormais la vente d’œuvres signées pour promouvoir ce mouvement artistique contemporain désormais incontournable. Après avoir conquis la rue, les galeries et les musées, le street art s’invite maintenant dans les salons.

Perspectives

Que peut-on attendre des évolutions futures du street art ? Protéiforme, incongru, adaptatif, cette branche d’art qui rénove les pratiques les plus anciennes grâce aux technologies modernes, révolutionne les techniques et bouleverse les convenances, pourrait bien devenir la racine d’un art nouveau, libéré du poids de l’histoire. Le street art se distingue par sa capacité à déranger mais aussi à émouvoirL’envol du ballon rouge de Bansky chez Sotheby’s a sidéré tout le monde de l’art. Certains y voyant un vibrant espoir de paix, d’autres une mise au pilori des tractations financières extravagantes observées parfois dans certains milieux élitistes. Les raisons intimes ne seront sans doute jamais communiquées mais elles mettent en lumière la singularité de cet art frais et neuf qui instille le doute, s’insurge, pose des questions et finalement émeut. Quoi de plus réjouissant dans l’art ?